Coronavirus au Népal,

Récit d'un confinement...

Kathmandu, un 28 mars...

C’est l’effervescence. Thamel et ses échoppes se remplissent pendant que l’afflux de touristes ne cesse d’augmenter. L’aéroport de Kathmandu voit défiler des foules incessantes de touristes équipés des pieds à la tête d’équipement Salomon, Quechua et autre North Face. Les commerçants animent leurs vitrines, les musiques tibétaines font écho dans  les ruelles, les pousse-pousse se croisent et les trekkeurs préparent leur départ pour les hauteurs atablés aux terrasses des mo-mo restaurants.

Cette année a un goût particulier puisque c’est « Visit Nepal 2020 », 2 millions de touristes sont attendus. Des yétis, mascotte de l’occasion, ont été installés à divers endroits de la ville, comme un appel vers les hauteurs et un signe de bienvenue évocateur de la mysticité himalayenne.

 

Sur le toit du monde, ce sont quelques 800 personnes qui arrivent chaque jour par avion à Lukla pour aller repousser leurs limites au cours de treks grandioses. Des caravanes de yacks montent sans relâche jusqu’au Camp de Base de l’Everest pour équiper ce village de quelques 1 000 personnes qui vivront là pendant 2 mois à 5364m pour se mesurer au plus haut sommet de la planète.

 

Pokhara est prête à accueillir les milliers de touristes s’attaquant au Mustang, aux Annapurnas ou encore en quête de sensation au cours d’un vol en parapente depuis Sarangkot.

 

La neige a fondu, l’été s’installe, les trekkeurs sont au rendez-vous. La saison peut bel et bien commencer.

 

Seulement voilà ; nous sommes le 28 mars 2020 et rien ne se passe comme prévu…

Kathmandu, en réalité, aujourd’hui c’est plutôt ça :

coronavirus Nepal - kathmandu Covid-19
Quartier de Kantipath
Covid-19 Nepal, Kathmandu Coronavirus
Quartier de Thamel

Ou encore ça :

Coronavirus Kathmandu, visit Nepal 2020
Quartier de Jamal
Repatriation from Nepal
Quartier de Thamel

A l’image de bien d’autres pays, le Népal s’est confiné de la manière la plus stricte et ne permet aucun mouvement. C’est le désert, l’apocalypse, des scènes surréalistes dans une des villes les plus denses au monde dignes de films de science-fiction.

Plusieurs centaines de milliers de gens sont rentrés dans leurs villages, loin de la capitale. Plus aucun transport ne circule, coupant du monde toutes les régions rurales et montagneuses.

 

A Kathmandu, toutes les boutiques sont fermées. Personne n’est autorisé de sortir et les seuls commerces qui restent ouverts sont les pharmacies. Même les hôpitaux sont désertés.

Dans les rues, la Police est là pour barrer tous les carrefours ; seuls les véhicules diplomatiques et les ambulances déambulent à vive allure dans les rues de la capitale.

Depuis presque une semaine, nous vivons ainsi et personne ne saurait dire pour combien de temps…

C’est le calme plat. Trop calme.

Les 60 avions internationaux qui normalement passent au-dessus de nos têtes chaque jour sont à l’arrêt.

Les touristes ne sont pas venus, et le peu de gens qui ont pu venir ici malgré les multiples contraintes de migrations sont confinés dans une chambre d’hôtel dont le restaurant a fermé. Certains sont coincés à l’autre bout du pays, désarmés, à peine au courant de la situation après parfois plusieurs semaines de trek dans les montagnes.

 

Quand on croise des gens, les quelques sujets de discussion que l’on peut avoir dévient rapidement sur les mêmes interrogations : combien de temps ? A quand les nouveaux cas ?

Pourtant, la situation semble ici relativement stable, avec seulement 4 cas recensés.

On ne sait pas… on ne sait plus… On ne croit plus personne… tout est verrouillé…

 

Cela avait commencé début mars, période durant laquelle tous les deux jours une nouvelle annonce de restriction tombait. Face à ce verrouillage progressif ne présageant rien de bon, des milliers de touristes commençaient à organiser leur retour coûte que coûte, dans des bureaux de compagnies aériennes saturés et des tarifs de billets dignes d’une vente aux enchères…

 

J’ai encore en tête la vision de ces gens sortant de l’agence en pleur, sans billet, sans alternative ni espoir.

Repatriation flight Lukla
La file d'attente pour obtenir des masques
Covid-19 Nepal
Panique à Qatar Airways

La semaine dernière a été terrible. Depuis plusieurs jours, la rumeur se faisait de plus en plus présente, puis la nouvelle tomba : Le Premier Ministre, très affaibli par une greffe de rein, nous annonça une fermeture totale du pays dès le lendemain et jusqu’à nouvel ordre.  Plus d’avion, plus de bus, tout trekking interrompu, pas de supermarché ouvert, plus de service public, plus rien... la confusion totale pour les Népalais et leur besoins de première nécessité.

Confusion également pour les touristes partagés entre rester au Népal qui semble sûr, ou partir par un des vols de rapatriement des Ambassades Européennes, selon la rumeur…

 

Aujourd’hui, 28 mars 2020, la quasi-totalité des touristes est rentrée chez elle. Mais certains sont encore là, bloqués et quelques-uns sont bien trop loin de Kathmandu. Pour eux la situation s’annonce compliquée.

Il serait estimé qu’encore 2 000 touristes étrangers seraient bloqués au Népal en attente de rapatriement.

Les Ambassades d’Allemagne, de France et de Suisse s’organisent conjointement pour rapatrier les touristes internationaux bloqués aux quatre coins du pays. Des listes de recensement sont établies, partagées, diffusées. Des groupes Facebook se créent.

 

Hélicoptères, bus, avions, tous les moyens sont mobilisés pour rapatrier les touristes sur Kathmandu.

Près de 200 à Pokhara, 90 à Lukla, 5 à Taplejung, 20 au Chitwan, 30 à Jomsom, c’est sans précédent ; ou presque (2015…).

Jour après jour, les personnes arrivent au compte-goutte et des avions internationaux sont affrétés pour évacuer au plus vite un maximum de gens hors du pays.

 

La situation est très incertaine ; On nous annonce 1 cas tous les deux jours, avec seulement 4 cas recensés à ce jour (nous en sommes à 9 au jour de publication de cet article)…

… Mais comment croire ce résultat avec seulement 1 500 tests PCR pour 30 millions d’habitants dont on ne contrôle que ceux qui sont arrivés récemment de l’étranger.

 

Il est donc urgent de quitter le Népal, pour ceux qui le peuvent, car ses habitants savent mieux que personne comment la situation peut évoluer dans ce pays face à une crise de ce genre. Coincé entre l’Inde et la Chine, le Népal dépend beaucoup trop de ses voisins et peut se retrouver en situation critique pour l’apport des biens de première nécessité.

 

Sacs de riz, gaz, essence, graines en tous genre, farine, sel, sucre, huile, voilà les choses que les Népalais ont stockées avant la crise. Les mieux équipés ont un stock de masques et du désinfectant pour les mains. Les autres gardent le même masque pendant une semaine… ou plus...

Coronavirus au Népal
Quartier de Lazimpat
Covid-19 au Népal
Quartier de Maharajganj

Aujourd’hui, il faut s’enregistrer sur une liste parfois longue de plus de 2000 noms pour obtenir une demi bouteille de gaz, il n’y a plus de farine, et les autres denrées ne s’obtiennent qu’en bravant les interdictions de sortie et/ou en s’exposant à la foule dans les petites échoppes restant ouvertes.

 

Les enfants Népalais sont en grandes vacances, mais l’école Française à Kathmandu, suivant le calendrier Français, organise des cours à distances. Merci Skype, Facebook et Whatsapp pour nous relier les uns aux autres !

 

Pour les agences de trek, c’est bien sûr un coup d’arrêt terrible. Les deux dernières semaines ont été très difficiles à vivre, entre annulations, reports de voyages, veille permanente pour informer nos clients, conseils, prise de décisions et rapatriement de ceux qui étaient déjà là avant les événements…

 

Nos clients sont bien sûr autant concernés, avec des annulations et contraintes qui leurs sont tombées dessus. Nous saluons leur compréhension et leur souplesse ; tous sans exception nous ont manifesté leur soutien et leur volonté de venir nous voir quand la situation ce sera stabilisée.

Teaching hospital
Teaching Hospital - des zones de quarantaine
home schooling Coronavirus
L'école à la maison s'organise

Nous gardons quand même dans nos têtes de belles images de ces quelques touristes que nous avons pu accueillir.

 

L’image de Victorine qui a séjourné au monastère de Thuptencholing Gumpa (Sud-Everest), seule dans la culture Sherpa.

 

L’image de la famille d’Olivier et Stéphanie, une famille de 5 personnes en tour du monde et qui a posé ses valises à Namche Bazar (Haut Everest), figurant parmi les tous derniers et seuls étrangers dans la région. Ils ont réalisé un un trek où la nature sauvage semble avoir repris tous ses droits.

 

L’image également de certaines personnes qui sont parties se réfugier chez l’habitant dans les montagnes malgré toutes les recommandations des ambassades.

Solukhumbu blue sheep
La nature reprend ses droits
Sagarmatha National Park
L'Everest sera fermé cette année

Namche Bazar
La famille presque seule à Namche Bazar
Sagarmatha national park
Parmi les derniers touristes au Khumbu

La situation pourrait durer bien plus longtemps qu’on ne le croit. Mais qu’importe, nous sommes peut-être à la veille d’une nouvelle société, plus raisonnée, plus humaine, plus durable et moins individualiste...  

 

Certains comportements égoïstes durant ces semaines resteront gravés dans les mémoires.

Nous sommes presque 7 milliards sur cette planète et, en quelques semaines, cette civilisation, à l’âge du capitalisme en roues libres, a été balayée comme un tsunami qui emporte tout sur son passage, ne laissant que des ruines derrière lui.

 

Notre économie va en souffrir, nous allons en subir les conséquences, mais c’est peut-être le prix à payer pour réveiller nos consciences et ainsi tous réfléchir à un modèle de société plus raisonné, moins utopique et plus respectueux de cette nature magnifique qui nous héberge.

 

 

En attendant, portez-vous bien, prenez soin de vos proches et faisons preuve tous ensemble de résilience. 

Bhat Bateni supermarket
Un supermarché au début des événements
Hand wash Nepal
Des citernes d'eau dans la ville